Au cours du mois d’octobre 2024, dans cette 5eme année de mandat de Louis Aliot à Perpignan, les grandes avenues de Perpignan sont arborées d’affiches, pour une énième campagne, aux frais des contribuables pour informer, selon la mairie, sur ses actions pour la sécurité. Ici cette campagne est orientée avec une nuance sur la drogue. Le slogan commence par “La drogue, isole, détruit, tue” et termine par l’habituel,“La mairie de Perpignan lutte contre le trafic”.
De façon générale, la municipalité Aliot est dans la continuité de son orientation de sécurité répressive. De façon spécifique sur la question de la drogue ressort une vision de droite et d’extrême droite de la problématique.
Le mot “trafic” cache la problématique de la toxicomanie. Vocable municipal associé à la culpabilisation et donc qui empêche de penser des solutions sur le long terme.
Une personne s'intéressant depuis des années aux politiques de lutte contre la drogue ne peut qu’être qu’abasourdis par une campagne anachronique et archaïque dans sa façon de restreindre cette question. Question certes, de sécurité publique mais aussi de santé publique, elle-même reliée à un ensemble de difficultés sociales. La question de la toxicomanie et ses solutions est étudiée par la recherche depuis des décennies.
Dans un premier temps nous allons décortiquer le texte du communiqué de la mairie RN en le replaçant dans une analyse de la politique de sécurité de la municipalité. Puis nous aborderons les connaissances scientifiques pour lutter contre la toxicomanie.
Le texte accompagnant cette nouvelle campagne de communication municipale sur la sécurité et la drogue révèle un certain positionnement idéologique avec des affirmations et des non dits sur le sujet. Il est questions de certaines drogues et pas d’autres. Le texte promet de la prévention et de la répression. On peut s’interroger sur l’idéologie culpabilisatrice du texte.
Concernant le cannabis et la cocaïne le message municipal formule :
“les drogues les plus répandues sur notre territoire communal étant le cannabis et la cocaïne.”
Hormis le terme de “trafic” la municipalité Aliot semble globalement muette depuis plus de 4 ans sur ces substances illicites qui ronge une partie de la population depuis des décennies.
Pour rappel, les historiens écrivent, dans la Nouvelle histoire de Perpignan (2022), pour la période 1980-2000 que «Ville moyenne frontalière en difficulté, Perpignan devient la ville des records nationaux de chômage, de bénéficiaires du RMI, des maladies infectieuses (VIH, MST) et de l'omniprésence du trafic de drogue ». On peut se demander si le maire a lu les observations des chercheurs et la compilation de Chez Louis à Perpi? (lire https://61294045f2a0f.site123.me/bienvenu-sur-mon-blog/3-ans-d-aliot-%C3%A0-perpignan-3-ans-de-discours-sur-la-s%C3%A9curit%C3%A9-3-ans-de-silence-sur-la-pauvret%C3%A9-et-la-toxicomanie ).
On notera que le crack est moins connu, et selon les chercheurs fait des gros dégâts à Perpignan (article sur la présentation ici : https://madeinperpignan.com/drogue-les-prix-du-crack-a-perpignan-attirent-les-consommateurs-de-toute-la-france/
Par ailleurs, la communication ne semble pas s'intéresser à d’autres substances comme la kétamine, le lyrica qui atteint des individus isolés (ex : sans abri). article https://www.lindependant.fr/2022/12/21/pyrenees-orientales-alerte-au-lyrica-la-nouvelle-drogue-de-la-misere-10878558.php
Le communiqué accompagnant cette campagne insiste sur un travail de prévention et d’information contre la drogue. Mais l’observation de la pratique municipale permet d’avoir des doutes.
-Travail quotidien sur le terrain, de pédagogie et de prévention?
Le communiqué municipal prétend valoriser le travail de certains agents municipaux. En effet, le texte énonce un
“travail quotidien sur le terrain, de pédagogie et de prévention de la part de notre Police municipale et des médiateurs.”
Comme on peut lire dans Perpignan sous Mandat RN https://www.editions-harmattan.fr/catalogue/livre/perpignan-sous-mandat-rn/6050 ces acteurs existent vraiment mais rien ne démontre que leurs actions sont efficaces (lire plus bas l'analyse de cette politique de moyens). Louis Aliot étant le responsable de la sécurité et l’invité fréquent des plateaux de télé, le doute est permis concernant son investissement dans une politique de prévention.
-Campagne pour : informer? alerter? dissuader?
La municipalité RN prétend dissuader :
“ce type de campagne de prévention, vise à informer, alerter et dissuader.”
Dans l’histoire des campagnes de prévention de la toxicomanie, cette campagne semble datée. A l’instar des campagnes de la fin du XXe siècle. On peut penser que ce manque d’originalité à l’efficacité questionnable n'est là que pour rassurer un électorat relativement âgé habitué depuis des décennies à ce type de messages.
-Des relais ?
A la lecture du chapitre sur les relations du maire avec les partenaires institutionnels, dans Perpignan sous Mandat RN on peut douter de la capacité de cette municipalité RN à coopérer.
En effet, un chercheur a publié dans une revue spécialisée, certains des griefs des agents préfectoraux contre le maire Louis Aliot. Ils notent « un faible intérêt pour l’habitat, l’éducation prioritaire et l’économie ». Ils considèrent que Louis Aliot est « suiviste » voire pratique « la chaise vide ». Et qu’il « n’agit pas» en attendant que l’Etat le « victimise ». Par conséquent comment concevoir qu’il y ait des relais à cette campagne de prévention?
-Un rappel au droit pénal et à une politique répressive
Le communiqué souligne que
“la consommation, l’usage, la détention, la vente de produits stupéfiants, entraînent de lourdes sanctions pénales.”
et
« la “Police Municipale agit sur l’ensemble des incivilités qu’ils génèrent : troubles à l’ordre public, rixes, sentiment d’insécurité, etc.”.
Le message ne rappelle pas seulement la règle de droit mais aussi que la municipalité Aliot est là pour s’affirmer dans une idéologie répressive. Cette campagne vise aussi à rappeler aux Perpignanais que la mairie RN a consolide une politique de sécurité répressive avec quelques éléments de prévention.
-Des moyens mobilisés pour cette politique de sécurité répressive et de surveillance
Le communiqué liste que
“ Depuis 2020 : Mise en place de Postes de Police de Proximité dans tous les quartiers Création de brigades de nuit Présence 24/24h – 7/7j Création d’un service de médiation urbaine Mise en place de bornes d’appel d’urgence Démolition de points de deal (Oiseaux, Betriu, Champ de Mars, cité ensoleillée) Plus de 300 caméras de vidéosurveillance”.
Dans Perpignan sous Mandat RN un chapitre est consacré à la description de la politique de sécurité.
Pour les bornes d’appel c’est une mesure très récente (octobre 2024).
On a pu constater que les services de prévention ont été médiatisés après la critique dans la presse du manque de prévention.
Certaines mesures sont contestables comme les ateliers contre le radicalisme islamique (les plus médiatisés).
Concernant les démolitions d’immeubles dites de point de deal, les témoignages dans la presse indiquent plutôt que les dealers sont chassés un peu plus loin.
Quant aux caméras il faut rappeler que les 24 caméras qui se sont ajoutées aux autres ont coûté au contribuable plus de 600 000€ pour une efficacité faible selon les études de la Gendarmerie.
-Des moyens pour quel résultat ?
Le communiqué liste les moyens mais ne revient pas sur les derniers résultats sur la sécurité.
En 2023 il y a une baisse des vols avec violence (en 2022 : renfort de la police nationale) mais presque autant de violences intrafamiliales. En parallèle La police municipale et nationale met en oeuvre plus de moyens pour interpeller clients et dealers et il est donc logique que les chiffres “usage de stupéfiant” explosent.
Consulter : https://ssmsi.shinyapps.io/donneesterritoriales/ Interstats : des statistiques publiques sur l’insécurité et la délinquance).
-Le cas de conseils de sécurité contestables auprès de l’extrême droite
La presse a souligné le 25 septembre 2024 le Rapport de la cour des Comptes que l’audit sécurité livre « un catalogue des activités criminelles sans recommandations adaptées à Perpignan » pour 44 400 euros. https://madeinperpignan.com/perpignan-examen-audits-commandes-par-cour-des-comptes/
Comme on peut lire dans « Perpignan sous mandat RN » La collaboration avec Christian de Bongain/Xavier Raufer représente plusieurs facettes idéologiques d’ultra droite. Louis Aliot est venu chercher des conseils de sécurité auprès d’un « expert » décrié par une partie de la profession car il lance des affirmations de prisons peuplées d’étrangers et de Nord-Africains. Les chercheurs lui reprochent d’utiliser des sources floues et de présenter des raccourcis qui cachent un contexte social : pauvreté, absence de prise en charge…. Il faut souligner aussi qu’entre la période Occident et la période en conseil de sécurités Xavier Raufer œuvrait dans la lutte légale contre les syndicats.
Selon le communiqué municipal :
“La responsabilité porte autant sur le consommateur que sur le trafiquant.”
Ici ressort l’idéologie si fréquente pour la droite et d’extrême droite : le consommateur est coupable. La culpabilisation du consommateur facilite les choses idéologiquement. Le consommateur devient fautif. Il est d’une certaine façon déshumanisé.
Il n’y a plus besoin dans cette idéologie de le considérer comme un toxicomane c'est -à -dire un malade. Un malade que l’on pourrait condamner pour certains comportements (vols, agressions…) mais que l’on devrait également aider comme n’importe quel malade.
De façon générale, la culpabilisation des usagers de substances illicites évite de s’interroger sur les nombreux toxicomanes de la société qui posent peu (alcool au volant) ou pas (overdose de produits légaux) de problèmes à la société (hors santé publique assumé). On pourrait évoquer l’augmentation des médicaments psychotropes, ou le nombre de décès liés à la consommation d’opioïdes (Relire la partie *Données Globales dans le chapitre **A Perpignan et en France : la nécessité de développer une réflexion et un débat sur la souffrance psychique ).
A partir du moment où on sort de l’idéologie “le consommateur est coupable”, et de l’idée d’une seule cause, des solutions, validées par la recherche, existent.
La question du trafic de drogue examinée par les faits journalistiques et la recherche universitaire nous renvoie à un ensemble de problématiques perpignanaises :
• La pauvreté,
• La précarité et le chômage,
• Les difficultés de logement,
• le décrochage scolaire,
• Les troubles mentaux non pris en charge,
• La mendicité
Pour en savoir plus : Février 2024 : municipalité Aliot et situation sociale à Perpignan https://61294045f2a0f.site123.me/bienvenu-sur-mon-blog/f%C3%A9vrier-2024-municipalit%C3%A9-aliot-et-situation-sociale-%C3%A0-perpignan
Parmi les livres pouvant apporter un éclairage scientifique sur les préjugés aux relations entre effets des substances et violences je recommande de lire Laurent Bègue “Drogues, alcool et agression : l'équation chimique et sociale de la violence”.
Pour “résumer” 120 pages de synthèse de décennies de recherche, je formulerais qu'aucune substance ne provoque de violences mais “canaliserait” une agressivité non prise en charge (voir lien ci-dessous). Pour les solutions politiques dans le cas de l’association alcool-violence des mesures, on peut par exemple, interdire la vente d’alcool à partir d’une certaine heure ce qui diminue le nombre d’entrée aux urgences. relire : https://61294045f2a0f.site123.me/bienvenu-sur-mon-blog/3-ans-d-aliot-%C3%A0-perpignan-3-ans-de-discours-sur-la-s%C3%A9curit%C3%A9-3-ans-de-silence-sur-la-pauvret%C3%A9-et-la-toxicomanie
-Pour les usagers du crack
Selon Mickael Caetano (14 octobre 2022), pour les usagers du crack “[...] si on ne peut pas agir sur le produit, il est quand même possible d’agir sur les comorbidités psychiatriques, sur les interactions sociales, l’accès au logement, à une vie plus classique. Car clairement l’arrêt du produit ne suffit pas ».
-Pour les toxicomanes en général
Laurent Bègue note pour les toxicomanes une certaine efficacité des interventions brèves et les entretiens motivationnels, les thérapies cognitives comportementales, les thérapies de couples et familiales, et les thérapies par des groupes de soutien, et dans une certaine mesure la voie médicamenteuse.
Le message de la campagne à Perpignan reconnaît le problème du cannabis et de la cocaïne mais évite d’aborder les autres.
Le communiqué essaye de persuader qu’il y a un travail quotidien sur le terrain, de la pédagogie et de la prévention pour informer, alerter, dissuader. Objectifs dont les relais sont très probablement inexistants.
On peut douter que cette municipalité RN puisse s'inscrire dans une prévention bien coordonnée avec les acteurs. Cette prétention à la prévention se contredit avec une culpabilisation du “consommateur”.
Le vrai visage de cette politique est un rappel au droit pénal et une politique de sécurité répressive qui affiche ses moyens. Des moyens aux résultats contestables.
Pourtant des décennies de recherches proposent aux citoyens des vraies solutions en matière de lutte contre la toxicomanie.